Êtes-vous pour une enquête journalistique?

mercredi 8 avril 1981

Le jour des funérailles

Ce matin, j'ai fais plaisir à maman. Je suis allé chez la coiffeuse

Je vais voir ma mère pour la première fois depuis lundi passé. Par contre, elle sera froide, mais je vais pouvoir la regarder, la toucher et constater par moi même l'irréelle réalité.

Nous nous rendons au salon funéraire Ed Darche & fils sur le boulevard Curé-Poirier à Longueuil. Y'a plein de gens que je connais, que je reconnais et que je ne connais pas du tout. On me donne une rose à déposer sur le cercueil de maman. Nous attendons la venu du cercueil tout prêt des portes de sortie. Maman, ne voulait pas de fleurs, elle me l'avait déjà dit. Je m'apprête à poser une action qui est contre sa dernière volonté. Je me convaincs en me disant que j'ai le droit de le faire, que je suis son fils.

Le cercueil arrive sur des roulettes, des hommes âgés vêtus de noir le transporte! Le cercueil est fermé!!! Je veux voir ma mère! Je chuchote ma volonté à mon voisin, probablement mon père. Je me fais répondre, ta mère est trop maganée. C'est mieux pour toi de ne pas la voir ainsi. Tu en garderais un trop mauvais souvenir... Je m'approche du cercueil pour y déposer la rose. J'éclate en sanglot. Un sanglot bref mais qui venait de loin. Je veux pas vivre cette journée! Mes oncles et tantes tout près de moi ont tous leur maman avec eux... Pourquoi moi, je dois m'en passer pour les reste de mes jours?

Le cercueil est transporté vers le corbillard. J'ai la première place! On me permet de m'asseoir devant avec le chauffeur. Ma grand-maman et ma tante sont derrière et pleurent jusqu'à l'église.



La messe fut brève, nous sortons de l'église, nous reprenons place dans le cortège. Nous filons vers le cimetière de l'est. Tout ce que j'entends sont les sanglots d'une mère pour sa fille et de ma tante pour sa soeur. Je suis incapable de pleurer. Les sanglots que j'entends m'irritent. J'ai juste hâte d'arriver pour ne plus entendre ces pleurs qui raisonnent dans ma tête. Je me sens comme une brute sans coeur qui n'est même pas foutu de pleurer la mort de sa mère. J'ai 13 ans et je me questionne déjà sur moi-même.

Je n'ai plus jamais pleuré la mort de maman. une première couche de roche s'était installé sur mon coeur.

lundi 6 avril 1981

Une visite au dépanneur inoubliable.



Ce matin y'a pas de lait pour notre café. Mon père et moi on va au dépanneur chercher du lait. Pendant que mon père prends le lait, moi je cherche dans les tablettes de magazines un Pif Gadget qui occuperait un peu de mon temps, qui m'aiderait à oublier... Oublier que ma mère est morte!! Heu non... Mais oublier cette vie, pendant que je me transporterais dans le monde des bandes-dessinées de Pif...

Mon regard tombe sur le journal de Montréal. C'est le choc total! La moins belle photo de la série est utilisée pour faire la première page!!! Le mot MORT me hante à partir de ce moment précis! Je capote (dans ma tête) La seule chose qui sort de ma bouche tout haut tout fort c'est: "C'EST MA MÈRE!". 

Mon père me fait signe de me taire et prends le journal qui accompagnera le 4 litres de lait à la caisse.


Cliquez sur les photos pour les agrandir et lire le contenu.


Mon black out continue... C'est incroyable, de ne pas se rappeler d'une période aussi marquante. Ma mère me manque...

samedi 4 avril 1981

Ma mère est morte!!!

J'y comprends rien!


Vers 4 heures, je jouais aux cartes avec ma tante sur son lit. Je gagnais en plus!!! Mon oncle est arrivé et il m'a dit bien accoté sur le cadre de porte de sa chambre "Stéphane, il faut que je te dise quelque choses" Vous auriez du voir son regard, son air quand il m'a dit "Ta mère est morte".

.....Vous pouvez même pas imaginez toute la douleur qui est montée en moi, j'ai eu le goût de tuer à mon tour. J'ai crié "C'est qui le tabarnaque qui l'a tué", j'ai pleuré...un peu. J'ai ravalé mes sentiments et je crois que je vais me retenir toute ma vie. D'une autre côté, n'ayant pas vu ma mère de la semaine, j'ai cru à un poisson d'avril. Cette idée me suivra un bon deux ans...


Ma mère est décédée cet après-midi,un peu après 3 heures. Là on vient de m'expliquer qu'il a fallu la débranchée parce que son cerveau était trop endommagé. Aujourd'hui j'ai compris que quelqu'un était entré chez nous pour tuer ma mère à coup de bâton! Pourquoi? Maman! Pourquoi!? Tout le monde aime ma mère. Pleins d'hommes lui faisaient la cour. Parfois je marchas dans la rue avec elle, main dans la main, puis les hommes sifflaient, ou les voitures Klaxonnaient.

Tout le monde s'est rendu chez ma grand-mère. Tout le monde pleur, tout le monde me dit qu'ils sont là pour moi. La scène est irréelle! C'est vrai tout ça? Vous êtes sur que vous me cachez pas que ma mère était à bout de souffle de s'occuper de moi et de ma soeur lourdement handicapée intellectuellement?

Mon père a du revenir de Nicolet, il était dans la famille de sa blonde. Il a fait le trajet Nicolet-Longueuil dans un temps record. Quand il est arrivé il s'est assis sur une chaise et là on lui a annoncé le décès de ma mère, de son ex-femme. J'étais a deux pieds de lui. Je me souviendrai toujours de cette larme immédiate qui s'est pointée dans le coin de son oeil au son de ces paroles. J'ai vu la douleur s'installer bien confortablement dans son coeur.

La famille m'a demandé ou je voulais aller rester. Tout le monde pouvait m’accueillir, la porte m'était ouverte partout! "Je veux aller rester avec mon père"... "Si ça ne dérange pas ta blonde p'pa..."

Bien sur qu'ils m'ont dit! Je suis parti avec mon père.

J'ai même pas pu dire à ma mère a quel point je l'aime. Lundi à ma sorti du métro, je l'ai pratiquement ignoré...

Je veux me faire couper les cheveux..

Black out total... Je ne me souviens plus du reste de la journée, je ne me souviens pas de ma soirée. Je ne me souviens pas de ma nuit. Je n'ai plus mal au ventre.

vendredi 3 avril 1981

Quelque chose cloche avec maman

En me réveillant ce matin, je pose la question à mon oncle.. "Comment va maman?". Il me répond évasivement qu'il ne sait pas. On va chez ma grand-mère, la tout le monde est bizarre. Ma grand-mère pleure, elle n'ose pas me regarder. Mes oncles et mes tantes ont tous une drôle de tête.

Tout le monde me répète à tour de rôle de ne pas m'inquiéter, qu'elle va s'en sortir. Évidement qu'elle va s'en sortir, y'a personne que je connais qui soit mort d'un coup de poing dans la face! C'est bien un coup de poing dans la face qu'elle a eu? Répondez! Hey! je veux savoir! Bon ok, je ne m'inquiète pas... Si vous le dites...

Mon oncle m'explique dans le courant de la journée que c'est plus grave que je l'imagine. Il m'explique un peu plus et avec des gants blancs, ce qu'il connait de l'histoire. Il n'aime pas me cacher ce qu'il se passe parce que plus le temps avance, moins y'a de chance que ma mère s'en sorte, ca ils ne me le disent pas, mais c'est tout de même ça.

Je veux aller voir ma mère à l'hôpital! Mon oncle, je veux voir ma mère! Allez! Je veux la voir! JE VEUX LA VOIR!!!

Mon oncle, n'a pas eu vraiment le choix, on s'est rendu à l'hôpital Charles Lemoyne de GreenfieldPark. À l’accueil, on m'explique que je ne peux monter à l'étage. Je n'ai que 13 ans, pour avoir ce droit, je dois en avoir 14. C'est quoi cette règle d'adulte!!? C'est ma mère qui est en haut! Je suis certain qu'elle aimerait me voir! J'y vais pareil! La dame me dit que ma mère est inconsciente et que la police est devant sa porte et que je ne pourrai pas entrer. La police? Est-ce si grave que ca?

Pour me changer les idées on est allé magasiner des voitures après notre visite à l’hôpital, mon oncle se cherche une voiture fiable.. Il en a trouvé une qu'il aime bien elle est bleue! Il va surement l'acheter bientôt. Il faisait chaud aujourd'hui! Croyez-le ou non, j'ai porté mes shorts pour la première fois cette année!

En fin de journée je suis allé voir le médecin à la polyclinique de Longueuil, mon mal de ventre ne me lâche pas. Mon médecin de famille, le docteur Chénier est un tres bon docteur, il est gentil avec moi. Je lui explique mon mal de ventre. Il me tâte le ventre. Et il me prescrit du lait de magnésie. Ca devrait m'aider, j'ai surement un bouchon intestinal.

Je dors encore chez mon oncle ce soir, et le monde continue d'être bizarre autour de moi, ou silencieux en ma présence... J'aime pas le feeling. Là, je sais qu'on ne me dit pas tout

J'imagine ma mère, dans son lit d'hôpital, inconsciente et amochée...Qui demande à me voir... Je fini par m'endormir.

jeudi 2 avril 1981

Ma mère a baignée dans son sang toute la nuit!





Je me lève ce matin, je me douche, et je descends à la cafétéria déjeuner. Je pleure timidement, je ne veux pas que mes amis croient que je suis un bébé. J'ai mal au ventre.. Je vais en classe et pleure devant tout le monde en classe, la douleur est insoutenable. On m'envoi voir l'infirmière, qui me renvoi à son tour dans ma chambre au dortoir, elle veut que je dorme pendant qu'elle rejoint ma mère pour qu'elle m'amène consulter un médecin. Pas moyen de la rejoindre.

Je suis loin de me douter que ma mère a baignée dans son sang jusqu’à 11h30 ce matin. Elle a été trouvé par mon oncle qui fut poussé par la curiosité d’aller voir chez nous si ma mère s'y trouvait puisque le patron de ma mère tentait de la rejoindre, elle était absente du travail, elle n'a pas avisé qu'elle le serait. L'académie tentait de la joindre au travail, puisque j’étais malade.

L'Académie ne voulait pas me laisser sortir sans l'autorisation de ma mère. Mais l'infirmière me promet qu'elle me laissera retourner chez moi demain matin, même s'il ne peuvent la joindre. Finalement, ma famille a joint l'Académie et a expliqué à la directrice ce qu'il s'était passé. À partir de ce moment tout les professeur agissaient drôlement autour de moi. J'avais l'impression qu'ils étaient tous plus gentils à mon égard. Moi je suis toujours au courant de rien.


Mon oncle et mes deux tantes sont venu me chercher apres l'école. J'étais content malgré mon mal de ventre de revenir chez moi en voiture, accompagné de membres de ma famille que j'aime beaucoup! En plus je me sauve d'une journée d'école demain! Mais j'ai pas le choix d'aller chez le médecin... Ca c'est moins le fun.

Je me demandais pourquoi ma mère n'est pas là... Finalement mon oncle me dit que ma mère n'est pas à la maison parce qu'elle s'était fait battre. Je ne le sais pas encore, mais en ce moment même je banalise la chose. On me dit qu'elle est à l'hôpital, mais dans ma tête je la voit dans la salle d'attente avec un bleu sur une joue ou un tache de sang sous le nez... Je me demande même pas pourquoi... J'en ai pas de nouvelles avant de me coucher... Elle doit penser qu'il est trop tard pour me téléphoner chez mon oncle. Mon mal de ventre est constant.

Bonne nuit.

mercredi 1 avril 1981

Ma mère s'est fait battre pendant son sommeil ce soir.



Au dortoire, on s'est tous réveillé ce matin avec une grosse tache d'encre sur le bout du nez. Notre camarade de classe, Robert Daigneault, nous a barbouillé le nez à tous les pensionnaire cette nuit pour l'occasion du poisson d'avril. Tout les miroirs des salles de bain avaient un poisson de dessiné à l'aide de pâte à dents. La blague est aimée de tous, On a tous bien rit. 

J'ignore que ma mère est revenue ce soir d’une soirée entre amies après une bonne session d’entrainement.  Elle était loin de se douter qu'une personne l’attendait à l’intérieur de notre appartement. Cet individu est entré par effraction, par la fenêtre de ma chambre. Il attendait qu'elle se couche avant de passer à l'action.


Une fois couchée, un individu sorti de nulle part s’est acharné surtout sur son visage à l’aide d’un manche de moppe commerciale, bien emballé dans un sac à ordure retenu par 5 bandelettes de ruban gommé électrique. Il l’a frappé au point de lui déraciner les dents, il lui a brisé le nez, lui a ouvert le front. Elle s'est fait briser les doigts à force de se protéger la figure. Elle a fini par lui faire dos, il lui a défoncé la boite crânienne avec acharnement. Il y avait du sang partout, sur trois murs et au plafond!! 

Pendant que ma mère se fait battre je suis couché dans mon dortoir du sixième étage de l'Académie Michèle Provost à Montréal. J'ai un mal de ventre foudroyant. Je pleure. je veux m'en aller chez nous. J'ai presque pas dormi.. 

lundi 30 mars 1981

Ben oui! C'est ça! Bye! :-(

Ce matin maman me réveille en me disant dépêche toi, nous allons être en retard. À tout les lundi c'est la même routine. J'me lève, j'enfile mon habit du collège, je mange une bouchée, je me brosse les dents.

Il parait que j'ai des couettes ce matin. Ma mère veut que je me fasse couper les cheveux! Y'en est pas question! Puis je m'affirme haut et fort sur ma position concernant mes cheveux. Ils sont à moi, je décide! Maman me menace de me faire passer la balayeuse dans toute la maison la fin de semaine prochaine. Je m'en fou, j'aime mieux passer la balayeuse avec les cheveux long, que de ne pas la passer avec mes cheveux courts. Point final. J'ai bien l'intention de lui tenir tête du haut de mes 13 ans. Je deviens un homme moi!

Je rassemble mes bagages contenant mon linge et ma literie pour la semaine au pensionnat de l'Académie Michèle Provost. Maman et moi on prends l'autobus 71 jusqu'au métro Longueuil, et ensuite on prends le métro.

Une fois à la station Guy, elle me dit "Bonne semaine Stéphane!" Je lui répond sur un ton mécontent "Ben oui, c'est ça! Bye!". Je ne me suis même pas retourné.

Avoir su que c'était la dernière fois que je la voyais... J'aurais tenu sa main, je lui aurais dit que je l'aime, je l'aurais collé... Je n'aurais jamais voulu aller à l'école.

Ce matin la, est un moment que je regretterai toute ma vie...